La RSE créé de la valeur et de l’innovation pour la fonction RH

1 juillet 2011

En France, l’arrivée de politiques de développement durable traduites par la responsabilité sociétale à l’échelle de l’entreprise (RSE) depuis le début des années 2000 semble ouvrir de nouvelles pistes à la fonction RH.
Malgré l’effort déployé par les entreprises pour partager largement leur vision en matière de RSE, il subsiste des dissonances dans la perception qu’ont les salariés des politiques menées par leurs directions.

Comme le démontre le baromètre 2011 de DDB Live for people / OpinionWay sur l’opinion et les attentes des salariés sur le développement durable dans leur entreprise, ceux-ci estiment que leur entreprise n’en fait pas assez (82%), ne les sollicite pas assez (70 %), tandis qu’ils s’adressent au DRH de manière croissante sur ces sujets (17% des répondants contre 9% en 2009).

Dans le même temps, la crise de 2008 a remis le social au premier plan. On voit apparaître la notion « d’empreinte sociale » pour évaluer l’action menée dans ce domaine et parer aux nouvelles déconvenues du contrat social comme le mal être, l’inégalité de traitement, le désengagement ou la méfiance vis-à-vis des institutions.

Malgré ces constats, on observe un relatif retrait des praticiens RH vis-à-vis de la RSE, pour au moins deux raisons :

Une protection naturelle de leur territoire devant la création ad hoc de directions du développement durable vécue comme une intrusion .
Le sentiment que les nouveaux thèmes ne sont qu’un prolongement de sa fonction et appartiennent p aux mutations conjoncturelles, culturelles de la société qui l’entoure

Or, la RSE ne sera pas totalement intégrée à l’entreprise et elle n’aura pas l’impact escompté tant que ses salariés ne seront pas engagés.

Certains DRH, convaincus de leur rôle à jouer dans la mise en œuvre de la RSE abritent ce sujet depuis le début (La Poste, Adecco, Vinci) tandis que  d’autres l’intègrent petit à petit.

Certaines entreprises comme Danone l’ont compris les premiers : sa forte culture autour du projet économique et social des années 1970 qui voulait équilibre entre épanouissement des collaborateurs et rendement financier pour les actionnaires a progressivement convergé vers un modèle intégré et responsable « La Danone Way », permettant très tôt la mesure par le DRH des engagements pris au regard des enjeux sociaux, économiques et environnementaux du groupe.

Danone a introduit en 2008 des critères non financiers dans le calcul des bonus des 1000 encadrants du numéro un mondial des produits laitiers. Aujourd’hui 10 autres entreprises expérimentent cette façon de revoir la performance individuelle et collective : Crédit Agricole, GDF Suez, Axa, L’Oréal, etc.

Cette marche vers une considération plus importante de la valeur immatérielle de l’entreprise va dans le sens de l’innovation RH, dans ce qu’elles peuvent infléchir  la performance de l’entreprise où la reconnaissance de la dimension sociale devient réelle et mesurable.

Les praticiens RH sont amenés à ouvrir leur champ d’action, au-delà de leur périmètre habituel et à dialoguer avec des parties prenantes externes plus nombreuses et d’autres, internes , plus impliquées voire plus exigeantes.

La RSE servirait avant tout les intérêts de l’interne avant de répondre aux attentes externes: toujours dans le baromètre DDB Opinion Way, les 3 premiers objectifs prioritaires de RSE que font ressortir les collaborateurs sont « répondre aux attentes des salariés », « renforcer la cohésion interne entre les salariés pour motiver et pour l’ambiance », « améliorer les relations sociales dans l’entreprise ».

Pierre Marie Argouarc’h, DRH de La Française des Jeux a mis en place un observatoire du bien-être composé de 12 collaborateurs volontaires, et établi un diagnostic des causes du mal être- charge de travail, organisation du temps de travail, vie privée, vie professionnelle, stress et difficultés relationnelles, manque d’espace et de moments de respiration et de convivialité. Trois mesures principales ont été prises : tous les managers ont suivi un module de formation sur la gestion du temps et la gestion du stress, chaque Direction a pris un engagement de mesures concrètes dans le cadre du projet « Bien-être au travail » (être vigilant sur la durée et les horaires des réunions, mettre en place des espaces de convivialité, etc), enfinà l’occasion de l’entretien annuel, pour que chaque manager décide avec son collaborateur, de mettre en place tel ou tel mini plan d’action « Bien-être » adapté au contexte de proximité.

Par ailleurs, des pressions externes force le métier RH à élargir son périmètre:

De nouvelles lois ( la loi sur l’égalité de salaire entre les hommes et les femmes, la loi de 2010 sur les seniors ou la loi qui requiert des entreprises qu’elles comptent 6% de personnes handicapées dans leurs effectifs…)

Le regard des agences de notation et des investisseurs qui intègrent graduellement la gestion du capital humain dans l’appréciation de la valeur extra-financière des entreprises sur le long terme.

La soft law ou les bonnes pratiques – chartes et labels égalité, diversité et de la parentalité – qui forcent les entreprises d’un même secteur à s’aligner si elles veulent rester concurrentielles au regard de l’attractivité que leur bon comportement procure auprès des clients, des talents, des consommateurs, des investisseurs

Les DRH qui prennent toute l’ampleur de leur rôle dans la RSE reprennent de la voix dans la stratégie voire les instances de gouvernance de l’entreprise.

En effet, cette vision quand elle est portée par le plus haut niveau amène 3 nouveaux champs de responsabilités au DRH :

D’abord, il devient le porte-parole des valeurs et de la vision de la politique corporate auprès des collaborateurs, il a le devoir de la conduite du changement
Ensuite, il devient le garant d’un management responsable et de la mise en œuvre des nouveaux thèmes : risques psychosociaux, bien être, équité…
Enfin, le DRH élargit son champ d’action dans une vision plus ouverte et est amené en traitant de sujets comme l’employabilité

Ainsi, consciemment ou non, le management des ressources humaines s’enrichit et prend aujourd’hui une nouvelle dimension, dans la mesure où il doit désormais revisiter ses processus à l’aune de la RSEresponsabiliser le management de terrain, intégrer de nouveaux thèmes et prendre en considération d’autres parties prenantes.

Sources : extraits d’un article de Delphine Poligné, consultante à Des Enjeux et des Hommes, dans le magazine « Effectif », de l’ordre des conseillers en ressources humaines